POUR UNE DIGITALISATION RÉUSSIE, MISEZ SUR UNE CONCERTATION EN INTERNE
Pour Axel Ullern, conseil et formation vont de pair. Après un parcours d’une vingtaine d’années chez Hewlett-Packard, il accompagne, depuis 2012, étudiants et dirigeants dans leur appropriation du digital.
Enseignant auprès de grandes écoles (CNAM, CentraleSupelec, Ecole du management à Grenoble), il intervient dans les formations liées au Management et gouvernance des systèmes informatiques, à la Datascience et intelligence artificielle, et au Développement durable.
En parallèle, dans son cabinet de conseil, il assiste les managers dans la transformation digitale de leur structure et dans leur conduite du changement.
Pour lui, « la digitalisation des entreprises est certes une révolution, mais elle n’est pas une révolution brutale. Elle peut être progressive, à condition qu’elle s’articule autour de mini-projets, et qu’elle soit à l’initiative des salariés ».
Ainsi, il propose une démarche innovante aux PME et ETI afin de faire émerger de nouveaux projets. A travers des demi-journées de formation et de sensibilisation au numérique, il invite les collaborateurs à imaginer les projets qui forgeront leur entreprise demain. A l’issue de ces sessions, un projet est retenu par la direction, et mis en oeuvre. Axel Ullern propose ici une approche « Bottom up » de la transformation digitale d’une entreprise. Une manière de casser le management en silo et de voire naître des initiatives autrement.
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Comment vous est venue l’idée de proposer ce type d’accompagnement aux PME et ETI ?
La plupart des entreprises que je rencontre ont pris conscience de l’importance de se transformer pour s’adapter face au numérique. Elles doivent s’adapter aux nouveaux modes de consommation, aux nouvelles réglementations (notamment au RGPD), et aux nouvelles technologies. Mais, seules 5% d’entre elles s’engagent réellement dans une transition digitale.
D’après moi, il y a deux freins à cette transformation : beaucoup d’entreprises sont très cloisonnées, organisées en silos. Au sein même de ces PME et ETI, les unités ne se parlent pas entre elles, et utilisent chacune des processus et données différents. Par ailleurs, il y a encore bien trop de management « Top Down ». Ce qui signifie que les décisions, et notamment les projets propres à cette transformation, viennent des managers. Ces structures n’ont pas compris que les bonnes idées émergent souvent de la base.
Pourtant, il y a urgence car nous nous rendons compte aujourd’hui que les sous-traitants sont à la peine en France, notamment quand leurs donneurs d’ordre se sont digitalisés. Ces derniers les remplacent aujourd’hui par des sous-traitants étrangers qui, eux, ont entamé leur transformation numérique.
Ce constat m’a poussé à proposer ce service de formation et de conseil aux entreprises qui souhaitent investir le numérique. Mon objectif : leur montrer, pas à pas, que cela est aussi possible pour elles.
Comment procédez-vous concrètement ?
En premier lieu, je rencontre l’équipe managériale de l’entreprise afin de définir un plan de formation.
Une fois ce plan établi, sur une période donnée, j’anime plusieurs demi-journées de formation dans un lieu innovant. Dans ces ateliers, j’accueille des collaborateurs de tous services confondus. Mon but est de décloisonner les services, de permettre aux gens d’une même société de se rencontrer.
Dans la première partie de ma session, je présente un panorama des nouvelles technologies. Je leur montre ce qu’elles peuvent apporter dans leur quotidien, ainsi que leurs limites. Souvent, les outils numériques sont vus comme une menace à leurs emplois. L’idée, ici, est de vulgariser ces technologies et montrer en quoi elles sont complémentaires à leurs fonctions, qu’elles ne les remplacent pas.
Dans une seconde partie, j’invite les collaborateurs à discuter entre eux et à émettre des idées de projets qui pourraient être développés au sein de leur entreprise. Les langues se délient très vite. Chacun se sent libre de parler car la session se déroule en dehors de leur entreprise. Par ailleurs, le fait de mélanger des collaborateurs d’unités différentes crée une nouvelle dynamique. Cela motive les participants. Je vois une adhésion forte à ce fonctionnement en « mode projet ».
A l’issue de ce plan de formation, je remets, aux managers de l’entreprise, une synthèse de l’ensemble des projets proposés. L’un d’entre eux est choisi pour être mis en œuvre. Commence alors la seconde partie de mon accompagnement, davantage axé sur le conseil en stratégie digitale pour développer l’idée retenue.
Avec cette démarche, la conduite du changement vers une transformation digitale est plus simple car elle vient des salariés. Elle n’est, en sorte, pas imposée.
Vous avez mené cette approche au sein de UIC (Union international des chemins de fer). Pourriez-vous nous en parler ?
De septembre 2017 à mars 2018, j’ai effectivement organisé une vingtaine de demi-journées de formations auprès de l’UIC. Près de 200 personnes y ont assisté. Pour ce syndicat des transports, l’objectif est clairement d’entamer une transformation digitale. D’autant plus que la SNCF, membre de ce réseau, se digitalise depuis plusieurs années.
Une fois le plan de formation défini avec l’UIC, ma première mission a été de trouver un lieu innovant pour accueillir ces ateliers. L’environnement contribue à la créativité des participants.
Dans ce cadre, j’ai animé mes sessions à la « Web School Factory ». Cette école forme les managers digitaux de demain. Dans cet établissement, tout pousse à la création : les salles de classe ne ressemblent pas à des salles de classes ordinaires, tout comme les salles de réunion. Mon objectif ainsi était de permettre aux participants de rencontrer de jeunes entrepreneurs et d’être immergés, le temps d’une demi-journée, dans un environnement propice à l’innovation.
Ses sessions ont très bien fonctionnées. Chacune ont vu naître des débats très animés et enthousiastes. Plusieurs idées de projets digitaux ont vu le jour. Tous ont été présentés lors d’une réunion de synthèse. Parmi les projets imaginés, les collaborateurs ont émis l’idée de créer un réseau social professionnel interne. La direction de l’UIC devrait statuer prochainement sur l’initiative retenue. Rentre en compte maintenant l’estimation du temps et du budget qui pourraient être alloués à ce développement, ainsi que la détermination du type de conseil en stratégie qu’elle souhaite pour le mettre en place.
Globalement, l’intérêt de cette démarche est qu’elle permet l’émergence de projets généraux à l’échelle de l’entreprise, mais également de projets plus spécifiques pour un service. Elle suscite une nouvelle dynamique collaborative auprès des salariés.
Pour l’entreprise, il y a une prise de risque en terme de management. Mais je n’y vois que du positif, car cela la pousse à changer son mode de fonctionnement, de favoriser la transversalité et de rompre avec l’organisation hiérarchique en silo. Enfin, lorsque le succès du premier projet est établi, d’autres voient le jour. L’entreprise se transforme progressivement et s’adapte ainsi à son écosystème.
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