Quelle méthodologie pour une transformation digitale réussie des PME?

QUELLE METHODOLOGIE POUR UNE TRANSFORMATION DIGITALE REUSSIE DES PME?

Toute transformation implique une forte dimension humaine, et ne peut réussir que si l’humain est placé au centre. Les options ne manquent pas en termes de méthodologies d’aide au changement, mais elles sont souvent complexes et chronophages.  Quelle est la bonne démarche pour les petites et moyennes entreprises? Dans cet article, Xavier Grove, Directeur Associé Digispin, nous propose des approches d’accompagnement du changement adaptées aux PME . Un sujet particulièrement pertinent face à un impératif de transformation digitale à fort impact humain et sociétal.

Est-il urgent d’attendre ? 

Il est des statistiques qui font froid dans le dos quand on réfléchit à leurs implications. Notamment Gartner Group nous apprend que plus de 50% des projets informatiques échouent, notamment par manque d’adhésion des équipes.  Et ce pourcentage monte à 80% selon le Cabinet McKinsey.

Les projets de transformation digitale sont, dans leur définition la plus simple, des projets de mise en œuvre de solutions informatiques ou, dans leur définition la plus drastique, une remise à plat des fondamentaux de l’entreprise avec un fort besoin de ‘désapprendre’ et de grands bouleversements. On perçoit aisément l’important risque d’échec lié à cette transformation. 

Car, pour répondre à la question dans le titre du paragraphe, attendre n’est évidemment pas une option. Comme le souligne la BPI, la transformation numérique est une nécessité, un levier puissant de différenciation et de compétitivité.

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Quelles spécificités des PMEs face au changement?

Au-delà de ce constat qui semble indépendant de la taille des entreprises, certaines contraintes qui sont, elles, bien spécifiques aux entreprises de plus petite taille, notamment :

  • La centralisation de la gestion, indissociable de la vision stratégique et des pratiques managériales du dirigeant
  • Une stratégie intuitive ou peu formalisée
  • Le manque de compétences en interne …
  • … cumulé à la difficulté d’accès à l’expertise externe
  • La plus faible bande passante des cadres de l’entreprise car ils cumulent souvent des fonctions qui sont dissociées dans des groupes de taille supérieure (par exemple DAF + CIO + DRH).

Les PME sont a priori plus agiles que les grandes sociétés, avec des chaînes de commandement plus courtes, moins de bureaucratie. Elles bénéficient d’une plus grande proximité avec les acteurs de leur écosystème. Elles ont également une conscience forte que leur pérennité n’est pas acquise.

En revanche, elles ne disposent pas de toutes les compétences requises en interne. Elles ont également souvent une organisation reposant sur des cadres multi-tâches (voire parfois un encadrement se limitant au dirigeant-propriétaire). Pour certaines, elles sont dirigées par un dirigeant-propriétaire ayant tendance à imposer ses vues. Enfin, elles ont des moyens plus réduits en termes de financement et tout simplement de bande passante de l’organisation.

Un accompagnement externe mal calibré

Près de 60% des PME que nous avons interrogées estiment que l’offre de conseil en transformation digitale est trop consommatrice de leurs ressources.  En effet, on sous-estime souvent que, même si l’on a recours à une expertise extérieure, la majorité du travail est toujours effectuée par les ressources internes de l’entreprise, au risque de la détourner de ses activités vitales. 

Cela requiert un ajustement de l’approche (au niveau méthodologique notamment), pour pouvoir mener à bien la transformation. Mais cet accompagnement doit être pensé d’une façon qui ne soit pas léthale pour l’entreprise. 

Les limites du top-down

L’implication de la direction générale est clef dans tout projet de transformation. C’est à elle de poser la vision de la transformation digitale, de la communiquer et de la partager.

Pour réussir, les bonnes pratiques sont d’y associer très tôt collaborateurs et managers. Il s’agit également de maintenir cet effort de co-création tout au long du projet. Or, les études de la BPI démontrent ce n’est pas le cas : les équipes opérationnelles ne sont associées directement que dans 25 % des cas. Tout aussi problématique, seules 12 % des entreprises françaises ont mis en place des formations dédiées au digital.

C’est un état d’esprit à changer : il faut faciliter la transversalité et la prise d’initiatives. Pourtant, 61 % des dirigeants ne le font pas ou peu. Quand on sait que la résistance au changement s’accroît à mesure que la transformation digitale progresse, le facteur humain sera souvent la variable clé de la réussite du projet.

Essayons ici d’identifier les méthodologies de gestion du changement les plus adaptées mais aussi réfléchir à une approche de contournement par l’incubation et d’intrapreunariat inspirées du Lean Startup et de l’effectuation.

Quelle-est la bonne méthodologie de gestion du changement pour les PME ?

Il existe de nombreuses méthodologies de gestion du changement.  Elles ont en général en commun de couvrir les dimensions suivantes :

  • Les diagnostics pour la compréhension du contexte et l’évaluation de l’impact
  • Les ateliers participatifs pour l’explication et la co-création
  • La communication pour la sensibilisation des bénéficiaires
  • La formation pour donner les outils d’utilisation et d’évolution
  • L’accompagnement des bénéficiaires lors du déploiement
  • Le pilotage et la mesure à la fois des avancées et de leur impact

La couverture de toutes ces dimensions peut vite résulter en une (sur)charge de travail incompatible avec les ressources des PME. Passons brièvement en revue quelques modèles de change management qui semblent plus particulièrement adaptés à la transformation digitale des PME.

Le modèle de Lewin

Kurt Lewin a démontré l’impact positif de l’expérimentation en commun et de la pression sociale qui en résulte pour ancrer un changement.  Ses recherches  l’ont amené à proposer un modèle de changement des organisations en 3 étapes: Unfreeze (dé-cristallisation), Move (mouvement), Refreeze (recristallisation).

C’est en fait la phase dite Refreeze ou d’ancrage qui est la plus critique dans tout projet de transformation.  Une fois que les changements ont été adoptés, il faut stabiliser et consolider la nouvelle organisation, les nouvelles méthodes de travail. Et aussi de mesurer, ajuster et soutenir le changement. Si cette phase est ignorée, les vieilles routines reviennent rapidement.

Parfois qualifié de simpliste, le modèle de Lewin est néanmoins populaire et semble un bon ‘ingrédient’ à la conduite de la transformation digitale dans les PME. Il apporte un cadre à la fois simple et pertinent pour « faire bouger » son organisation. Il a également servi de base à la définition de modèles plus complexes qui y ajoutent par exemple la phase dite d’infusion , spécifique aux projets informatiques.

Les modèles AGILES de type ICAP/ADKAR.

Les modèles ICAP (pour Information / Compréhension / Adhésion / Participation) ou ADKAR pour (Awareness / Desire / Knowledge / Ability / Reinforcement) appartiennent à la famille des méthodologies dites agiles.

Celles-ci se caractérisent par le recours aux principes suivants:

  • la co-construction de la destination
  • la collaboration
  • l’expérimentation
  • l’ancrage

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ADKAR ou ICAP sont fréquemment utilisés pour la gestion du changement dans des organisations de tailles variées. Le blog Change-Management-Coach.com décrit notamment le modèle ADKAR comme :

un modèle de changement pratique, qui est simple à apprendre, a du sens et se concentre sur les actions et réalisations requises pour changer’.

Ce type de modèle est idéal pour initier des changements spécifiques qui doivent s’opérer rapidement.  Il doit être privilégié quand un changement est formalisé, clairement formulé et porté par un consensus. Il s’applique donc typiquement pour des déploiements informatiques de complexité faible à moyenne. En se concentrant sur l’atteinte des 5 objectifs, un modèle de type ADKAR peut être utilisé pour planifier l’exécution du changement aussi bien aux niveaux individuel qu’organisationnel.

Zoom sur l’approche ADKAR

ADKAR est une approche bottom-up qui se concentre sur les employés, et met donc l’humain au centre. Elle contribue à accélérer l’exécution du changement tout en en maîtrisant les risques. En définissant des buts à atteindre sans en préciser la méthode, le modèle ADKAR fournit un cadre à la fois flexible et quasiment universel. L’accent est mis sur les équipes et leurs besoins au-delà des simples dimensions techniques. Ce qui se traduit également par un taux de succès plus élevé.  Enfin, ces modèles permettent de capitaliser sur les forces spécifiques des PME. En effet, une interaction forte avec les employés est requise pour comprendre où se situent les points de blocage. Ce qui est particulièrement utile dans les phases ’Unfreeze’ et ‘Change’ du modèle de Lewin ou les phases ‘Awareness’ et ‘Desire’ du modèle ADKAR.

Cette interaction est a priori plus facile et rapide à mettre en place dans une petite structure à la fois plus compacte et avec moins de niveaux hiérarchiques.  En outre, les phases de ces modèles impliquent l’action et l’ancrage. Elles rendent les employés responsables par leur comportement. Ce qui est particulièrement critique lorsque le changement pour les PME n’est pas un ‘nice to have’ mais une question de survie.

Le modèle en 8 points de Kotter

Le très populaire modèle de Kotter appartient plutôt à la famille de conduite du changement instrumentale. Elle se se caractérise, en contraste avec les modèles agiles, par:

  • Destination prédéfinie / connue
  • Situation d’urgence
  • Instrumentalisation
  • Préparation au Changement

Kotter a packagé sa théorie du changement en un processus en 8 étapes:

  1. Créer un sentiment d’urgence
  2. Former une coalition
  3. Créer une vision
  4. Communiquer sa vision
  5. Inciter à l’action
  6. Démontrer des résultats à court terme
  7. Bâtir sur les premiers résultats
  8. Ancrer les nouvelles approches dans la culture d’entreprise

Les limites du modèle de Kotter

Très répandu et connu, ce modèle est néanmoins de plus en plus critiqué par son caractère essentiellement top-down, et parfois à la limite de la malhonnêteté intellectuelle.  Plus particulièrement, c’est la notion de ‘création’ du sentiment d’urgence qui pose problème. Elle implique que le changement serait construit sur une exagération voire un demi-mensonge, avec pour finalité de faire peur. 

L’autre reproche que l’on fait à Kotter est l’idée selon laquelle il y aurait « un » bon processus de changement.  En effet, selon les travaux de Weick et Quinn, si le modèle classique de Lewin  correspond bien aux changements épisodiques (ceux qu’il est nécessaire de créer dans les organisations où domine l’inertie), il y a un deuxième modèle, « Freezing, Re-balance, Unfreezing » qui correspond mieux au changement continu dans des organisations plus flexibles. Dans ce contexte de changement continu, il s’agit de marquer une pause pour analyser les processus, puis réinterpréter les anomalies, pour finalement se rediriger vers d’autres improvisations. 

Le modèle de Weick et Quinn prend tout son sens dans le cadre de la transformation digitale au sens large où la destination est souvent inconnue et où il s’agit plus pour l’entreprise d’être dans une capacité de transformation continue plutôt que d’aller d’un point A à un point B, même si ce dernier est co-construit.

Même s’il est populaire, parce qu’il est facile à appréhender, il semble qu’il y ait un gros décalage entre la popularité du modèle de Kotter et son efficacité réelle.

Pourquoi pas contourner l’obstacle : intrapreunariat et incubation

Lors de la transition vers les cloud des éditeurs de logiciels et de leurs écosystèmes, on a pu observer que les structures qui avaient eu le plus de succès étaient celles qui avaient eu recours à des acquisitions ou à la création de structures en dehors du business historique.

Même si l’on parlait toujours de délivrer une solution logicielle, les implications du passage d’une licence perpétuelle à un modèle de service en souscription étaient telles, que les deux modèles n’étaient tout simplement pas compatibles, et le modèle historique avait toujours tendance à considérer le nouveau modèle comme un corps étranger. Plutôt que de tenter de nager en mer contre un courant très fort, il peut s’avérer plus malin d’aller nager dans le lac d’à côté. Une approche dont les PMEs peuvent s’inspirer quel que soit leur secteur d’activité.

Les bonnes pratiques du monde de l’entrepreneuriat mettent à leur disposition une boîte à outils reposant sur les principes du Lean Startup et  / ou de l’effectuation. Ces méthodes sont particulièrement adaptées pour naviguer dans ces phases où le business est fragile et immature et les ressources sont limitées, tout en gardant un fort focus client. On parle d’incubation on d’intrapreunariat.

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Alors comment s’y retrouver ?

Il est facile de lister les options, il est moins facile d’identifier la plus pertinente pour son cas précis.  Nous recommandons de commencer par une phase d’audit, comme on le fait dans les méthodologies de gestion du changement. Cela permettra de quantifier les moteurs et inhibiteurs du changement et de définir ensuite quelle serait la route le plus courte. Ce qui conduit à choisir l’intrapreunariat lorsque les freins au changement internes sont trop forts.  La voie de l’intrapreunariat est en effet à privilégier si l’on parle d’une réinvention très disruptive. 

Dans les deux cas de figures, des consultants DIgispin peuvent vous aider à faire un état des lieux et des recommandations d’approche. Ils sont à votre disposition pour accompagner le changement dans les faits, car ils maîtrisent non seulement la méthode de changement, mais surtout sa finalité.

Digispin, c’est plus d’une centaine d’experts indépendants, de culture entrepreneuriale, qui maîtrisent parfaitement quelques boussoles très utiles. Ils seront à même de mettre leur savoir-faire à votre service, pour des interventions toujours « sur-mesure ».

Xavier de Grove

Directeur associé Digispin

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Quelques références pour aller plus loin :

  • K. Lewin, Mechanisms of change, Chap 5 in Organization change: A Comprehensive Reader
  • John Kotter «Leading Change: Why Transformation Efforts Fail » Harvard Business Review 1995
  •  ICAP : D. AUTISSIER, K. JOHNSON, E. METAIS-WIERSCH, Du Changement à la Transformation, Dunod
  • ERIC RIES, Lean Startup, Adoptez l’Innovation Continue, Pearson
  • S. READ, S. SARASVATHY and R. WILTBANK, Effectual Entrepreneurship, Routledge

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