La fragmentation des marketplaces pourrait être un levier de ventes bien plus important que ce que vous en pensez !

Le point de vue de Julien Fontaine, Consultant Expert Digispin :

LA FRAGMENTATION DES MARKETPLACES POURRAIT ETRE UN LEVIER DE VENTES BIEN PLUS IMPORTANT QUE CE QUE VOUS PENSEZ!

Les Feed Managers, gestionnaires ou intégrateurs de flux sont de plus en plus nombreux. Faites une recherche dans Google et vous verrez, la bataille fait rage. Leur premier rôle est de vous permettre d’interfacer votre catalogue avec celui des tiers chez qui vous voulez publier: marketplaces, comparateurs de prix, régies d’affiliation ou de retargeting… et de remonter les commandes dans le back-office de votre solution e-commerce.

Les places de marché au coeur de votre stratégie ?

Je voudrais ici me focaliser sur ces feed managers et l’éco-système des marketplaces, dans le cas d’un vendeur avec un gros catalogue, multi-catégories et multi-marques (donc une problématique de revendeur de produits de marques connues, qui est beaucoup plus compliquée qu’une marque qui vend en direct), ce qui était mon cas… jusqu’en Mai 2018. Toutes cette mise à plat de la stratégie d’accès aux produits relayée par les intégrateurs dans les places de marché est encore plus pertinentes pour les marques. A se demander si la place de revendeur n’est pas menacée à moyen terme, ou en tous cas de plus en plus précaire.

Tout le monde ne veut pas forcément vendre sur les places de marché. La stratégie d’une marque peut être à l’opposé comme l’explique Sylvain Legoux, fondateur de OOGarden, en mars 2018 au JDN :

Aussi petite que soit notre entreprise, je ne veux pas partager ce savoir avec des concurrents potentiels. Toute société d’e-commerce a son ADN et doit protéger ses données. Celles qui vont sur les marketplace perdent la main sur leurs data. Voilà pourquoi nous avons toujours refusé de vendre sur marketplace.

Cet entrepreneur veut protéger sa marque et c’est comme ça qu’il entend s’y prendre. Est-ce que ce qu’il souhaite éviter ce qui est finalement inévitable ? Un concurrent y est peut-être déjà (c’est évidemment le cas), ou finira par y aller. A court terme, il a peut-être raison. Mais à moyen/long terme ? Quelle est la force de l’ADN de la marque ?

Quelles garanties ai-je que la place de marché n’analyse pas mes données ainsi que celles des marchands tiers pour ensuite faire mieux que moi et plus vite ? Je ne suis pas le seul à avoir cette crainte. Certaines voix du secteur avertissent que les opérateurs de marketplace analysent les marchés grâce aux données collectées auprès des vendeurs tiers. C’est le moyen rêvé de savoir si un produit marche sans effort. Il suffit d’observer les meilleures ventes et d’obtenir les informations sur les fournisseurs.

Si l’on se base sur le site de OOGarden, la marque a 6 magasins et apparemment pas de revendeurs (ou non listés). Donc elle maîtrise parfaitement sa stratégie commerciale, et n’a pas besoin de cadrer ses revendeurs par des contrats de distribution qui les empêcheraient de revendre à des tiers. Son fondateur est libre de ne pas aller sur les places de marché pour les raisons qu’il évoque ci-dessus, mais qui n’ont rien à voir avec d’autre acteurs avec un ADN bien plus fort, qui ne veulent surtout pas non plus être sur les marketplaces.

Comme le souligne Olivier Levy, CEO de Shopping Feed, citant Georges Litinérant :

“ Dans le commerce, il n’existe qu’une règle : être présent là où se trouvent ses acheteurs.

Il faut avoir un ADN très fort pour pouvoir s’en priver, et que les acheteurs aillent vous chercher là où vous êtes.

Distribution officielle vs. Grossistes vs. Dropshippers : l’accès aux produits, quoi vendre et comment ?

La distribution sélective

Croyez vous que Chanel, Louis Vuiton, Dior veulent voir associer leur nom avec le mot « Discount », à deux clics des fers à repasser, d’un sac de croquettes et d’un plug anal vert ??? NO WAY !!! Pas pour les mêmes raisons que M. Legoux, mais pour préserver leur image de marque, leur ADN, qui est leur premier créateur de valeur. Alors si vous êtes revendeur de marques en distribution sélective, relisez votre contrat, ne vous aventurez pas en terrain miné. Rappelez vous comme il a été difficile de signer avec certaines marques. L’évaluation de votre magasin, de son environnement, de la distribution de la marque à proximité, du personnel (pure players s’abstenir), etc… Vous ne voudriez pas perdre le privilège de les vendre en magasin (et sur votre site) pour faire des ventes en marketplace, non ?

Certaines places de marché ont aussi des accords avec des marques et refuseront l’intégration de vos produits (Hugo Boss, par exemple) à partir du moment ou le nom de la marque est détecté (vécu sur Cdiscount). Si vous arrivez, par contre à vous approvisionner chez un grossiste et pas chez le distributeur officiel de la marque directement, vous pouvez y aller (et si la marque ressort sur la marketplace). D’expérience, certains parfums Chanel sont vendables en marketplace (j ai une offre commercialisable chez un dropshipper espagnol), mais pas les lunettes de soleil Chanel. Parce que la distribution des parfums leur a échappée mais pas celle des lunettes. Parce qu’ils n’arrivent peut-être pas à canaliser la distribution par les revendeurs en zone Duty Free (la proportion de vente de parfums en zone tax free doit être énorme)? Donc si je voulais vendre des produits Chanel, je m’attaquerais aux parfums. D’autant plus que la durée du vie d’un parfum sur le marché est très longue (voir infinie), par rapport à des lunettes de soleil où les collections se renouvellent tous les 6 mois, que le/la client(e) le connaissant déjà, que le taux de retour doit être bien plus faible que sur les lunettes.

L’équation est : Parfums Chanel = produit connu et demandé + cible à fort pouvoir d’achat + contenu valide pour longtemps une fois les fiches produits validées + peu de retour. Tout bénéf ! … Si on arrive à se préserver une marge commerciale décente.

La distribution non-sélective

Certaines marques ne sont pas assez puissantes, elles doivent vendre à tous prix, ou presque. Elles pourront ouvrir un compte client pour un pure player, lui demandant peut-être d’adhérer à une centrale d’achat qui leur garanti le paiement des marchandises. Le vendeur pourra ainsi bénéficier de remises sur quantités, sur facture, de fin d’année, de gratuités, d’un SAV réactif, de facilités de paiement (30 jours fin de mois), avec des possibilités de négociations de délais supplémentaires, et si vous travaillez en plus avec une centrale d’achat, vous pourrez démultiplier ces avantages. Mais rappelez vous une chose : une marque qui vous permet un tel accès à ses produits, c’est qu’elle n’est pas dominante, qu’elle doit vendre. Un vendeur ne se substitue pas au marketing d’une marque. Si elle n’est pas connue du public, elle ne pourra pas rencontrer sa cible avec le succès escompté… ou très difficilement.

Outre le réseau officiel de distribution sélective des marques qui cherchent à contrôler la revente de leurs produits (non, toutes les marques ne veulent pas vendre à tous prix), ou de marques moins/non-sélectives (donc d’un impact faible), on peut se fournir chez des grossistes ou chez des dropshippers. Dans les deux cas, on peut trouver des milliers de produits de marque, mais pas tous. Pas grave, il y en a déjà suffisamment pour faire du commerce. On vient de le voir sur les parfums Chanel. Mais encore faut-il avoir des prix concurrentiels.

Les grossistes

Si vous achetez les produits chez un grossiste (hors réseau officiel de distribution des marques), vous bénéficierez de prix d’achat un peu plus élevés que chez le distributeur officiel (selon où se situe le produit dans son cycle de vie), de paliers de remises par quantités achetées, mais vous devrez immédiatement financer le stock avec des quantités minimales par commande (qu’il vous demandera de payer cash), avec la nécessité d’avoir un taux de rotation suffisamment élevé, d’assurer la logistique, en interne ou à travers une plate-forme logistique, Amazon FBA ou Cdiscount FBC (qui ne livre qu’en France pour l’instant). Le grossiste se fournit à travers son réseau, dont les ramifications font que les produits échappent à la stratégie de distribution de la marque. Sur des liquidations judiciaires, des invendus par exemple. Mais aussi par des revendeurs tiers qui pourraient mettre du stock à sa disposition, physiquement ou virtuellement, en alimentant l’offre du grossiste d’un fichier excel avec la référence, la quantité, le prix demandé, quitte à enfreindre les clauses du contrat de distribution qui lient le revendeur à la marque. Mais la marque peut-elle remonter jusqu’à lui ? Les produits ont-ils un numéro de série ou une puce dissimulée, permettant de savoir où il a été livré depuis sa sortie des entrepôts du distributeur ? C’est parfois le cas.

N’ayant pas le contrôle d’une marque sur sa production, le grossiste peut ne pas être capable de vous re-fournir un produit précédemment vendu, il a peu de visibilité sur ses livraisons futures, et n’aura peut-être pas les nouveautés de la marque. Bref, sa position restreint son offre.

Les dropshippers

Si vous travaillez avec un dropshipper, vous achèterez votre produit plus cher (en général, mais ça n’est pas toujours le cas non plus), mais il l’expédiera à votre client final, vous déchargeant de la logistique mais pas de la gestion des incidents de transport. Le dropshipper vous oblige a acheter cash le produit avec le coût du transport, vous obligeant à avoir un fond de roulement de 15 à 30 jours, le temps d’être payé par la marketplace. Mais comme vous ne lui achetez que ce que vous avez déjà vendu, vous n’aurez pas à financer de stock. Il vous reste un problème technique à résoudre, qui est la synchronisation de l’offre entre lui et vous, avec les variations de stock et de prix d’achat plusieurs fois par jour, par un module ou des imports xml/csv.

On ne peut pas TOUT vendre sur les places de marché, et on n’y trouve pas TOUT, votre business model change selon votre stratégie et vos capacités d’approvisionnement. Evaluez le fond de roulement !

Business Models des places de marché & feed managers

Le business model des marketplaces est quasiment identique pour toutes : un abonnement mensuel (en général 39€), une commission selon la catégorie de produit (parfois négociable, variable selon la catégorie et le diffuseur), et des coûts pour améliorer la visibilité en ligne, « pousser » votre offre pour qu’elle remonte avant celle de vos concurrents. Placer tout ou une partie de votre stock sur leur plate-forme logistique (Amazon ou Cdiscount) est aussi une garantie que votre offre sera mise en avant (« vendu par xxx, expédié par Amazon/Cdiscount). Cette stratégie a aussi un coût calculé sur un ratio poids volumétrique / temps de rotation de stock. Quid des annulations et remboursements ? Quid des rapprochements comptables (voir plus bas) ?

Le business model des feed managers est aussi quasiment identique pour tous : il facturent leurs services sur un ratio entre le nombre de produits en catalogue et le nombre de diffuseurs. Certains apportent des services supplémentaires, pour les vendeurs qui ne peuvent ou de voudraient pas internaliser la gestion des flux. Les gestionnaires de flux « enablers » (voir plus bas) vous accompagnent avec leur support technique pour que vous puissiez paramétrer les flux avec leurs spécificités, les « facilitators » remplissent à votre place vos objectifs de bonne intégration dans la marketplace, et les « maximisers » sont censés vous apporter tous les services annexes (relation client, retours, acquisition de visibilité…). Certains peuvent vous apporter des outils de gestion/enrichissement de contenu (PIM : Product Information Management, DAM : Digital Asset Management), de veille concurrentielle, de repricing. Et évidemment que ces services à valeur ajoutée ont un coût.

Inutile de vouloir calculer la marge à partir du feed manager. Sauf si vos ont tous la même marge (ça existe ?). Vous pourrez renseigner la marge commerciale globale tirée de votre bilan, mais sur un catalogue volumineux, cette marge commerciale globale ne veut plus rien dire. Il faudrait la renseigner par produit et par époque (prix d’achat moyen pondéré), ou au moins par catégorie. Cf ROAS. Votre comptabilité analytique doit se faire ailleurs que dans le feed manager.

Les Marketplaces sont un éco-système qui bouge vite et se fragmente au quotidien.

L’éco-système des marketplaces n’arrête pas de bouger. Amazon fait près de 50% des ventes en ligne aux USA, elles se rapprochent à grand pas des 50% en Europe. L’éco-système est en pleine fragmentation et continuera à l’être encore un moment. Quelques news récentes, en vrac : Cdiscount s’ouvre en Belgique, l’Italie, Allemagne, Espagne. Ventes Privées élargi son business model et devient une marketplace (comme son équivalent / UK Secret Sales)pour l’instant sur la déco et le vin. H&M lance Afound en Suède et ira rapidement sur d’autres pays, El Corte Ingles en Espagne. Ca ne va pas tarder pour Elle, le BHV vient de le faire. Auchan, Intermarché essaye de se relancer dans la course. Back Market fait un carton et se développe à l’étranger. PriceMinister, avec son cashback spécifique, prend définitivement le nom de son propriétaire japonais Rakuten et s’affiche sur le maillot du Barça… sans parler des marketplaces B2B, ou de services, des marketplaces dans les marketplaces… On pourrait en faire des pages. Et les revoir dans quelques semaines.

Veille / Feed Managers & Marketplaces = accès à de nouveaux marchés

On a super site de vente, un nom connu, on croit déjà avoir tout fait ou presque. Les vendeurs veulent du CA? Acquérir des parts de marché ? Se développer sur d’autres pays ? Sans recourir à une stratégie d’acquisition de leads/clients au CPC, ciblés ou même re-ciblés, les marketplaces offrent déjà un levier dont on peut facilement calculer le ROI puisque leur commission est fixe. Pourquoi aller se battre sur Google, Bing, Facebook, les comparateurs de prix, et parfois contre votre propre offre sur une marketplace ? Pourquoi faire du retargeting en direct quand une marketplace va peut-être le faire à travers le même diffuseur avec votre offre ? Parce que la transformation y est moins chère que la commission de la places de marché ? Peut-être ? Vous êtes sûr ? Mais demain ? Quels coûts techniques et humains au déploiement de toute cette complexité ? La stratégie d’acquisition au CPC, display, affiliation ou retargeting ? Comment gérer l’intégration de nouveaux services ? Le paiement en plusieurs fois ?

Pourquoi ne pas laisser les places de marché convertir les leads en clients, les fidéliser, mettre au point leur stratégie omnicanale 360°, résoudre les problématiques techniques et comportementales au fur et à mesure de leurs évolutions (Terminaux, M-Commerce, Responsive Design, Appli…) ? Elles ont de gros moyens financiers pour se faire connaître et exister dans l’environnement commercial le plus féroce qui soit ? Laissez-les faire.

Focalisez vous sur l’approvisionnement, la qualité de l’offre et de services en étant au niveau exigences qu’elles requièrent (taux d’annulation, de défauts, relation client, logistique, financement du fond de roulement)… et en assurant le suivi comptable (pas mince sur certaines places de marché). Ne nagez pas contre le courant. Devenez leur fournisseur, nourrissez la place de marché.

Mais encore faut-il savoir bien s’y intégrer, connaître le fonctionnement propre à chacune (un éco-système dans un éco-système), et maîtriser les process métier attendus. Quand une marketplace se crée, ou qu’un business en devient une, il y a forcément un besoin d’intégrer leur API chez les gestionnaires de flux, et vice-versa pour les diffuseurs intéressant les vendeurs. Donc à un moment, un nouveau levier apparait, la marketplace et le feed manager doivent le faire savoir. Et si vous, n’êtes pas au courant, vous ne pourrez évidemment pas actionner ce levier de vente.

D’une veille permanente naissent des opportunités. Elle prend son temps. Comment évaluer la taux de pénétration du diffuseur sur son marché cible ? Et les possibilités du vendeur sur cette cible ? Les perspectives d’amélioration ? Bref, est-ce que ça vaut le coût de le tester?

J’ai publié le 17/7 un article sur Fruugo, une marketplace que peu connaissent et qui a représenté pour mon B2C un levier d’acquisition de CA de 150 K€ sur 1 an. Il oubliait de poser la question: si un feed manager a déjà intégré l’API du diffuseur qui nous intéresse et pas celui qu’on utilise habituellement, est-ce qu-il vaut mieux passer du temps à faire un export personnalisé dans le back-end qu’on connait ou contracter le gestionnaire de flux qu’on ne connait pas mais qui a déjà intégré l’API ? Il n’y a qu’un moyen de savoir, le faire.

Les gestionnaires de flux sont inévitables

Les feed managers mettent à votre disposition tout un tas d’outils back-end pour que vous puissiez paramétrer un flux optimal pour chacun des diffuseurs, avec des options de paramétrage quasi-illimitées, pour que vous puissiez bien « donner à manger » à l’énorme catalogue qui doit intégrer le votre.

J’ai déjà abordé dans mon article précédent les exports personnalisés. Je ne vais pas récapituler les bases des paramétrages de flux, des matching de catégories, de champs, à quoi servent les règles chercher/remplacer, règles d’exclusion, on trouve toutes les infos en ligne à ce sujet et le support de votre feed manager vous y aidera. Par contre, il y a quelques subtilités qui ont toutes leur importance.

  • N’envoyez pas les produits à stock 0, sauf si vous êtes sûrs que la date de réception de la livraison permettra d’honorer la commande à temps. Les délais de livraisons maximum sont variables selon la place de marché. Certaines acceptent 3 semaines, sur d’autres vous devez expédier en 24 heures.
  • Utilisez le rapport d’erreur / diffuseur de votre intégrateur. Il permettra de mettre en évidence les erreurs de matching, qui peuvent bloquer la publication des produits. Parfois, vous annoncez une matière « caoutchouc » alors que le diffuseur attends « plastique », Argent/Argenté… Attention à la casse. Le diffuseur est susceptible de changer une valeur de caractéristique dans sa BDD, sans en informer qui que ce soit, et bloquer vos produits concernés qui avant remontaient bien. Gros inconvénient si vous avez un gros catalogue et qu’une petite proportion en stock, parce que votre gestionnaire de flux peut vous demander de résoudre aussi les erreurs sur les produits hors stock (pas d’option de filtrage par critère) et qui ne le seront peut-être jamais, donc pas destinés à être publié chez le diffuseur.
  • Reconstituez les descriptifs produits vide à partir d’associations de caractéristiques, en utilisant les règles. Modifiez les descriptifs existant en y ajoutant un texte automatique pour éviter le duplicate content avec vos fiches produits sur votre site web. Cf Content Spinning.
  • Comment se structure le catalogue du diffuseur ? eBay agrège des offres de vendeur que l’on retrouvera à travers sa recherche ou sa catégorisation, les listant les unes à la suite des autres, Amazon et Cdiscount créent une fiche produit et y agrègent les offres des vendeurs. Pour cela, ils se basent sur le code barre (EAN ou UPC) et Amazon sur l’EAN et l’ASIN (sa référence interne). Quand Amazon a un doute, vous devez faire un matching manuel ce qui peut s’avérer très long, rébarbatif mais nécessaire. La manière dont le diffuseur agrège les données et crée ses fiches produit implique :
  1. Que s’il publie votre fiche produit sans y agréger l’offre des concurrents, les erreurs EAN/UPC ont moins d’importance. Quand vous enrichissez votre fiche produit, de texte, de photos, de video, elle s’enrichira chez le diffuseur. Donc un travail de gestion de contenu rapidement valorisable, mais aussi facilement récupérable au bénéfice du diffuseur, pas au votre, et peut-être bientôt à celui d’un concurrent.
  2. Que s’il agrège votre offre à une fiche produit déjà existante, votre travail d’enrichissement de contenu ne sera peut-être jamais pris en compte. Si sa fiche produit a été validée alors que les éléments visuels et textuels étaient vraiment mauvais, vous pouvez vous retrouver avec un produit à gros potentiel de vente, avec le meilleur prix du marché et un gros stock, mais complètement dévalorisé par la fiche produit médiocre du diffuseur. Il faut alors demander une révision manuelle, et ça peut être très long. La gestion des achats pourrait être pondérée par ce paramètre, mais là, c’est de la haute voltige.
  3. Il peut y avoir une erreur d’EAN ou d’UPC interne au catalogue du diffuseur, avec une fiche produit alors validée avec cette erreur. Vous pouvez vous retrouver avec un produit dont le code barre est bien le bon, mais lié avec un produit qui n’a rien avoir dans le catalogue du diffuseur. Vous voyez les conséquences ? Je me suis retrouvé à vendre des Hoverboards haut de gamme à 2000€ TTC. Cdiscount a matché l’EAN avec une télécommande universelle à 20€. Impossible de vendre le produit, sur ce diffuseur en tous cas. Ou pas tant qu’il aura accepté de réviser la fiche produit. On perd les rênes, et on n’écoulera pas le stock sur cette plateforme. La meilleure méthode pour se prémunir de ce type d’erreur est d’inspecter régulièrement votre catalogue sur votre fiche vendeur. Si vous détectez un produit d’une catégorie qui n’a rien à faire là, il y a des chances d’en identifier. Si vous vous retrouvez dans ce cas, dé-publiez le produit de la marketplace et vérifiez le chez les autres.

barcode no OK = no go-to-market(place)

Les outils de gestion de flux sont tellement puissants, que même les modules Prestashop développés pour intégrer votre catalogue sur Google Shopping, Amazon ou eBay ne permettent pas le paramétrage de votre offre avec le niveau de précision d’un feed manager. Et c’est pourquoi Google annonçait en Janvier 2018 qu’il ne prendrait plus en charge les intégrations avec les plateformes PrestashopMagento ou BigCommerce à partir du 20 mars 2018. Les utilisateurs du Google Merchant ont reçu un e-mail de la part de Google indiquant que la décision avait été prise : « afin de mieux cibler les solutions qui permettront aux annonces Shopping d’être plus harmonieuses. Nous continuons à travailler avec des plateformes e-commerce pour explorer des possibilités d’intégration sans friction » (Channable).

Les feed managers sont un outil inévitable au déploiement de votre offre. Ils ne servent pas qu’à intégrer au mieux votre catalogue car la connexion API vous permettra aussi de remonter les commandes dans votre back-office, sans compter sur quelques astuces qui peuvent vous faciliter la vie. Par exemple, développer des flux personnalisés pour :

  • identifier les produits sans image, sans description, sans traduction, avec des caractéristiques manquantes et relayer l’information à la personne concernée.
  • identifier les produits avec une quantité en stock x, ou inférieure à x, ou supérieure à…

Donc les feed managers peuvent aussi être un outil interne d’aide à la gestion du contenu, au e-merchandising et à la gestion commerciale.

3 types de feed managers

Raphael Guedj, cofondateur de Seelk, fractionne les intégrateurs de flux en 3 types :

  1. les « enablers« , ceux qui permettent, qui apportent une technologie mais qui vous laissent seul dans l’éco-système.
  2. Les « facilitators« , qui ont la technologie et qui vont s’occuper le la bonne intégration de votre offre dans les marketplaces.
  3. Les « maximizers« : ce sont des solutions full-service, mandatées par le vendeur, qui s’occupent de l’ensemble des opérations avec pour promesse de maximiser les ventes (catalogue, marketing, logistique, retours, SAV, BI …).

J’ai quand même un doute sur la capacité d’un prestataire « maximizer » mandaté par le vendeur pour gérer au mieux sa relation client avant vente (connaissance des produits), les incidents transporteurs (le mandataire n’est pas le titulaire du compte client), le SAV (le mandataire n’a pas de compte ouvert chez les fournisseurs de son client, ou chez le prestataire SAV du fournisseur ). C’est faisable, mais moins simple qu’il n’y paraît, chronophage et parfois certainement fastidieux.

Je n’ai travaillé qu’avec des intégrateurs « enablers » (à moi la responsabilité de « maximizer ») et ils ont tous le même business modèle : un ratio entre le nombre de produits en catalogue et le nombre de diffuseurs. Le budget mensuel peut rapidement s’élevé en fonction des ambitions du vendeur. Il devient fondamental d’optimiser sa présence en ligne à travers l’intégrateur, de définir les KPI et de les surveiller avec régularité. Gardez à l’esprit qu’en travaillant sur une marketplace, vous bénéficiez de sa notoriété, de son infra-structure commerciale, de sa stratégie d’acquisition client et de fidélisation, etc… bref, de sa puissance, et qu’elle vous demandera logiquement de respecter un niveau de service élevé : temps de réponse au client < 24h, minima d’erreurs de stock, de taux d’annulation, taux de réclamation, taux de défaut de votre transporteur (le vendeur en est responsable face à son client), délais d’expédition (variables selon la marketplace)… Vous devez viser un taux de défaut inférieur à 1% (pré-requis Amazon). Ce qui demande une grande rigueur en interne, d’évaluer les risques d’erreur et d’y remédier, de maîtriser son sujet. D’ailleurs certaines marketplaces vous facturent leur commission, si vous annulez la vente pour une raison dépendante de votre responsabilité (erreur de stock, produit défectueux, retard de livraison de votre fournisseur…). Si votre taux de défaut reste élevé dans la durée, vous ne tarderez pas à avoir des restrictions sur votre compte vendeur, jusqu’à le voir fermer.

Compatibilité & Finance

Il y a un service qui pourrait être rajouté dans le mandat du « maximizer », c’est la comptabilité. Je viens d’évoquer la facturation de commissions sur les commandes annulées ou remboursées. Vous pouvez aussi vous retrouver dans le cas où la demande d’annulation est venue du client, et la commission vous est quand même facturée (par erreur?). D’un produit expédié des entrepôts de la marketplace (vous n’avez plus à gérer la relation client après vente), retourné par le client, et la commission vous est aussi facturée (par erreur aussi?). Donc si vous avez de telles anomalies sur cette place de marché, vous devez y suivre toutes les ventes, remonter les anomalies au service comptable du diffuseur et demander la révision de l’écriture. Les rapprochement comptables peuvent être complexes, chronophages (Amazon, Cdiscount), voire même litigieux, et le versement du CA des ventes pas forcément en corrélation avec les ventes réelles, car vous recevez l’argent dans un délai allant de 15 à 30 jours après son expédition, alors qu’avec le paiement sécurisé de votre site web, elle doit être de 1-2 jours ouvrés. A prendre en compte pour le calcul du fond de roulement et votre business plan.

Conclusion

Je pense avoir fait le tour de ce qu’un revendeur, un intermédiaire, peut attendre d’une stratégie pro-active sur les marketplaces. Si j’étais e-commerçant et franc-tireur, caché dans le maquis et pointant la cible, un trader, ni plus ni moins, je ne chercherais qu’à fournir les marketplaces, je n’aurais même pas de site web, justement pour être plus précis et plus simple, en bénéficiant des ressources et déploiements de celles-ci, en me focalisant sur le moins de paramètres possibles, pour gérer au mieux ceux qui restent (c’est déjà assez de travail), bref en concentrant les efforts au lieu de les démultiplier.

Une marque peut attendre beaucoup plus d’une place de marché. Un revendeur est en bout de chaîne. Il peut se heurter à des retards de production, une saisonnalité mal évaluée, découvrir les problèmes alors que la marque les connaît déjà. Même s’il entretient de bons rapports avec elle, le revendeur n’aura jamais la fluidité et la capacité anticipation/réaction qu’elle peut avoir. Sans parler de la marge. Quand je vendais des lunettes Ray-Ban, Oakley, des montres Casio, Suunto, des cardios Polar, des jumelles Bushnell ou des GPS Garmin, je savais très bien combien je les payais, en pondérant les prix d’achat des différents types de remises accordés. Mais quand la marque vend ses produits en direct, au prix public, en écartant son intermédiaire, avec la force de sa légitimité, quelle est sa marge commerciale réelle ? Elle est énorme comparée à un revendeur !!! Je suis tombé hier sur Code41 qui fabrique des montres de luxe Swiss Made, production financée en crowdfunding, design + qualité Suisse et « prix d’usine » (pas de circuit de distribution traditionnel) comme arguments de vente. Il y a des projets sur lesquels ont aurait vraiment aimé bosser !

C’est pour ça que les marques ont un très gros coup à jouer sur les places de marché… si elles veulent y aller.


Pour en savoir +

Publié par : Julien Fontaine | I Help Brands Achieve Exponential Growth in their B2C/DTC strategy. Build & Run Expert. Fast Go-To-Market & ROI

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